4 années d’entrepreneuriat : BILAN

En ce début septembre 2025, je fête les quatre ans des Enchantées entant qu’entreprise. Quatre années que la création de patrons et la gestion d’une micro-entreprise occupent mon quotidien.

J’aurais pu attendre les 5 ans, un compte plus rond, pour avoir la prétention de dresser un quelconque bilan. Mais ce mois de septembre marque un tournant pour moi puisque c’est celui pendant lequel Les Enchantées deviennent mon activité à plein temps ! Cela change évidemment beaucoup de choses : je vais avoir l’opportunité de consacrer beaucoup plus de temps au développement de mon entreprise, mon cerveau ne sera pas en permanence en train de jongler entre deux métiers totalement différents, et je devrais aussi pouvoir construire une alternance vie pro / vie perso plus structurée.

Je mets peut-être un peu trop d’espoirs dans ce nouvel emploi du temps ! Mais je referai le bilan de tous cela dans quelques mois, quand j’aurai sans doute déchanté. Pour l’instant, retour sur ces quatre années d’entrepreneuriat.

RECONVERSION

Vous êtes nombreux.ses à m’envoyer des messages quand j’aborde sur instagram le sujet de ma démission et de ma reconversion. Je crois qu’on est tou.te.s un peu fasciné.e.s par ce moment de bascule où l’on semble tout remettre en cause et plaquer des métiers ou des voies toutes tracées pour se lancer dans une aventure un peu folle, qui fait d’autant plus rêver quand elle est créative ou artistique.

Je ne sais pas d’où vient notre fascination et comment s’est construit le fantasme. D’autant que les reconversions sont quand même monnaie courante dans notre génération. Et pourtant, ces histoires de changements de vie drastiques nous touchent toujours autant, moi la première. Mais ce qui me gène c’est la notion de « courage » qu’on associe généralement à de tels choix, et qui revient régulièrement dans mes discutions avec vous sur le sujet. Alors que le plus souvent, celleux qui abandonnent un métier le font, parce qu’à un moment donné, iels étaient tout bonnement trop malheureux.ses pour pouvoir continuer sur la même voix. Iels n’ont pas eu d’autre choix que de tout abandonner et de faire autre chose. Pas de choix donc. Juste un instinct de survie. C’est moins chevaleresque hein dit comme ça ? En tout cas pour moi c’est surtout comme ça que ça s’est passé.

Quand il a été question de décider de ce que je ferai une fois que j’aurais quitté mon métier (professeur des écoles), quelqu’un m’a posé la bonne question : « quand est-ce que vous vous sentez vraiment bien ?« . J’ai répondu que c’était quand j’étais seule dans mon atelier à inventer des choses. Cette merveilleuse personne m’a affirmé avec un aplomb qui ne laissait aucune place au doute : « voilà, c’est ça qu’il faut que vous fassiez de votre vie maintenant ». Autant vous dire que j’ai d’abord été un peu sceptique, et puis l’idée a fait son chemin. Heureusement pour moi, je n’ai pas examiné cette possibilité de carrière à travers un prisme très rationnel. L’idée qui s’est imposée doucement, c’est qu’une chose ne pouvait pas me rendre si heureuse, si fière, si complète et si apaisée si ça n’était pas pour une bonne raison.

Maintenant soyons malgré tout très honnêtes, si j’ai eu la possibilité de démissionner (en quittant l’éducation nationale il est très rare de pouvoir avoir une rupture conventionnelle, donc pour moi pas de pôle emploi, de droit au chômage, à un quelconque accompagnement ni à une formation), c’est aussi parce que la situation professionnelle de mon mari était stable, que nos enfants entraient à l’école tous les deux cette année là (donc moins de frais de garde) et qu’on avait déjà acheté notre maison. On avait un prêt à honorer, mais plus le besoin d’avoir à présenter des dossiers bétons à des banquiers que le statut d’indépendant à la tête d’une micro entreprise créative aurait fait fuir à toute jambe. Et puis, j’étais tout à fait prête à prendre un emploi à temps partiel à côté, et ce dans n’importe quel domaine. Pas de fierté mal placée, j’aurais fait vraiment n’importe quel petit boulot tant que cela me permettait de monter doucement mon entreprise. J’ai eu la chance de trouver en quelques jours la perle rare : un poste de guide dans un château voisin qui recherchait justement quelqu’un deux jours par semaine au départ. Les planètes s’alignaient.

LA CREATION DE L’ENTREPRISE

Spoiler alert : j’ai fait tout l’inverse de ce qu’on nous conseille de faire avant de créer une entreprise. Donc attention, ne prenez pas ce qui suit comme une recette à suivre surtout, c’est seulement mon témoignage, à prendre avec toutes les pincettes du monde.

PAS D’ETUDE DE MARCHE OU DE BUSINESS PLAN

J’aurais dû, si j’avais suivi toutes les recommandations de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, faire une étude de marché, un business plan, me donner des objectifs, etc. Seulement quantifier le besoin de patrons de couture de doudous perroquet ou de costumes de dragon sur le marché français… Ca n’avait aucun sens. D’autant que je ne souhaitais pas savoir si ça allait se vendre en réalité. Je ne comptais pas faire autre chose de ma vie de toute manière. C’est très naïf comme raisonnement, et autant dire que j’en ai eu des haussements de sourcils sceptiques quand j’ai expliqué mon projet d’entreprise. Je ne peux même pas dire, à postériori, que je croyais vraiment que ça marcherait. J’avais seulement décidé que créer des patrons de jouets serait ce que je ferai de mon temps. Ce n’était pas de l’inconscience, c’était une confiance totalement résolue en mon projet. Je ne savais pas si ça marcherait mais je savais que c’était ce qu’il fallait que je fasse. Basta. Il faut dire que je créais déjà des patrons depuis plusieurs années, et que j’avais déjà sur les réseaux une bonne communauté qui me suivait et appréciait mon travail. Mon idée ne sortait donc pas de nulle part. Mais malgré tout, à part moi, personne de mon entourage n’a franchement pensé que cette histoire pourrait mener à quelque chose. Et je les comprends ! Mais ils ont eu l’élégance de ne rien dire et de me soutenir.

PAS D’OBJECTIF A COURT OU MOYEN TERME

Une autre chose qui s’est imposée au début de la création de mon entreprise : je ne me donnerai pas d’objectif à atteindre dans un temps donné. En terme de chiffre d’affaire d’une part, mais surtout en terme de salaire à me verser. Tout simplement parce que je n’avais aucune idée des leviers qu’il me faudrait actionner pour atteindre un certain chiffre d’affaire au départ. Créer un business plan aurait été complètement artificiel et m’aurait certainement déprimée puisque je savais pertinemment que les premières années je ne parviendrai pas à dégager un profit. Je risquais de me décevoir plus d’autre chose puisque j’avais tout à apprendre auparavant. Je n’avais pas de formation en gestion d’entreprise, en comptabilité, en graphisme, en community management, ni même en modélisme. Je ne savais pas le temps que me prendrait la création d’un patron en version pochette, je ne savais pas quelles compétences il me faudrait développer, ni sur quels types de partenaires je devrais m’appuyer en fonction de ces compétences. Un exemple : je pensais qu’il me faudrait travailler avec des graphistes. Finalement il s’est avéré que j’étais tout à fait capable de prendre un main cette partie de la gestion de mon entreprise, que ce soit au niveau de la création d’une charte graphique, de la numérisation de mes patrons ou la création des supports papiers. Mais tout ce que je savais faire, au départ, c’était créer un patron, alors que toutes les choses liées à sa commercialisation en dehors du format PDF m’étaient inconnues. Donc tenter de me projeter sur des charges potentielles, des investissements à faire, ou des bénéfices quelconques, c’étaient impossible pour moi.

Je savais quand même qu’à plus ou moins long terme, l’objectif était de compenser le salaire d’instit’ que je percevais auparavant, pour pouvoir quitter mon temps partiel au château et ne me consacrer qu’aux Enchantées. Mais je me laissais le temps qu’il faudrait pour y parvenir. Cela m’a permis de construire mon entreprise sans pression, sans déception. Cela m’a donné la possibilité d’apprendre, de tester, de me planter joyeusement, d’explorer des choses, de découvrir ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas faire, ce qui marchait, ce qui marchait moins. Cela a transformé la gestion de mon entreprise en quelque chose d’aussi créatif que la confection de patrons elle-même. C’est un chemin que j’ai eu la chance de parcourir avec beaucoup de joie et de légèreté , justement parce que je n’avais aucune prétention.

PAS D’INVESTISSEMENT FINANCIER

Je n’ai pas investi d’argent dans mon entreprise. En tout cas pas les trois premières années. On nous conseille pourtant d’investir un minimum au départ, afin de donner un coup de boost à son activité dès la première année, soit dans la communication, dans la création de son identité visuelle, ou même dans des formations afin d’être plus rapidement performant.e dans tel ou tel domaine de la gestion d’entreprise. Sauf que je n’avais pas d’argent à investir, et que je me savais incompétente pour choisir comment investir correctement cet argent. Par ailleurs, avec mon temps partiel à côté, je n’avais pas non plus la possibilité de suivre une formation. Ce choix m’a aussi permis d’aborder sereinement la construction de l’entreprise. Car il me semble qu’un investissement financier m’aurait mis une pression de résultat sur les épaules. Et, selon les personnes, cette pression n’est pas forcément bénéfique.

Tout ce que j’ai investi dans Les Enchantées, c’est du temps.

Alors oui, Les Enchantées ont grandi très, très doucement… Mais surement. Et sans me mettre en danger financièrement. Avec le recul, je me rends compte que cela m’a permis à moi aussi de grandir en tant que cheffe d’entreprise, et en tant que créatrice. Cela m’a donné le temps d’assumer, de prendre confiance, d’être à l’aise dans mon rôle, et de pouvoir dire aujourd’hui sans rougir, sans trouvé ça trop présomptueux, et (presque) sans ressentir ce fameux syndrome de l’imposteur : « je suis créatrice et je suis CHEFFE d’une entreprise de patrons de couture de jouets ». Et je le dis avec une fierté infinie et une immense joie. Alors on est d’accord, je ne suis pas à tête d’une entreprise du CAC 40, je ne révolutionne rien, tout ça est très modeste, mais pour moi c’est déjà vraiment beaucoup.

AU BOUT DE 4 ANS ALORS ?

Je sais maintenant où sont mes client.e.s, je sais ce qui plait, ce qui plait moins mais que je fais quand même par ce que j’aime ça, et ce qui ne marche pas. Je sais quelles sont mes faiblesses et mes qualités, j’ai identifié ce qu’il faut que je travaille ces prochaines années et les compétences que je dois absolument encore acquérir. Je peux dorénavant sereinement investir davantage que du temps dans mon entreprise pour la développer parce que je sais quoi faire pour honorer mes charges. Et surtout, j’arrive au moment où Les Enchantées ont les reins suffisamment solides pour que je m’y consacre à plein temps. Et ça c’est un sacré changement pour moi !

Mais assez parlé de moi, je me suis essentiellement penchée sur ce que j’ai fait des quatre dernières années dans cet article, mais si Les Enchantées prennent ce nouveau départ, c’est surtout grâce à vous ! Alors un immense merci à celleux qui suivent Les Enchantées depuis longtemps. Vos encouragements, vos gentils mots, les photos de vos réalisations, notre enthousiasme à chaque sortie, et surtout les rencontres avec vous sur les salons, ce sont autant de cadeaux qui permettent de réaliser qu’on a eu raison, qu’on est au bon endroit, et que malgré les faux pas, les plantages et les maladresses, on va dans la bonne direction.

Alors allez, on continue le chemin ensemble et on refait un bilan pour les 10 ans des Enchantées ?? :-)

  2 réflexions sur “4 années d’entrepreneuriat : BILAN

  1. Avatar de Catherine Byet
    Catherine Byet
    5 septembre 2025 à 6 h 35 min

    bonjour, merci pour ce texte très encourageant.

    je suis maintenant trop âgée, même si je n’ai que 58 ans pour pouvoir faire la même chose mais j’aurais adoré pouvoir le faire il y a quelques années.

    je vous souhaite le meilleur

    • Avatar de lesenchantees
      5 septembre 2025 à 7 h 37 min

      Merci infiniment Catherine ! Vous êtes sûre qu’il y a un âge pour se lancer ?? Je me dis qu’à chaque âge il y a des contraintes différentes. Pour mon cas c’était les enfants en bas âge ! :-)

Répondre à Catherine Byet Annuler la réponse.